mardi 26 juin 2012

Tissage : montage d'une chaîne sur métier à 4 cadres


Voici mon fidèle métier à tisser à 4 cadres. Ce métier m'accompagne depuis 1977. Avec ma guitare et mes animaux, il fait partie des rares choses que je n'ai pas voulu lâcher même aux pires moments de ma vie, quand je n'avais plus de maison et logeais à droite à gauche, durant les difficiles périodes qui accompagnent les   séparations et les divorces.

J'ai toujours voulu tisser, depuis mon plus jeune âge. J'ai commencé sur des cadres en bois, puis j'ai perfectionné mes cadres en y mettant des petits clous. Je tissais debout, comme autrefois. J'avais redécouvert toute seule les système archaïques du Moyen-âge.

Et puis un jour j'ai rencontré une collègue qui voulait se séparer de son métier à tisser. Il s'agissait d'une énorme machine qui devait faire pas loin de trois mètres de longueur pour un peigne de 180 cm. C'était un monument. Un ancien métier à bras à deux cadres sans doute ré-aménagé pour tisser sur 4 cadres. Il était vraiment génial. Les tissus qui en sortaient avaient une finesse et une régularité incroyables. Malheureusement je n'ai pas pu le garder car quand j'ai divorcé il m'a fallu déménager et quitter ma vieille ferme. Je l'ai revendu... à une autre collègue qui avait une grande maison et j'ai acheté ce petit métier. Je dis "petit" car il ne fait que 1m20 sur 1m20 et me paraissait petit à côté de l'autre. Il avait été conçu et construit par un artisan menuisier pour sa femme. Il est entièrement démontable sans aucun outil, ce qui est franchement génial. Ce sont des chevilles en bois qui permettent l'assemblage. Je l'adore, je l'ai appelé "Archie", parce qu'il est archi facile à utiliser et archi génial. L'épouse de ce monsieur en voulait un plus grand, alors il lui en a construit un comme elle le souhaitait et elle a vendu Archie pour mon plus grand bonheur.

Sur le grand, j'avais appris comment faire pour monter une chaîne sans me retrouver avec une peloote de fils emmêlés. Ma collègue m'avait expliqué qu'elle avait mis toutes ses pelotes dans un grand panier et tiré les fils qu'elle avait attachés un à un sur l'ensouple. Naturellement son histoire s'est terminée par un énorme sac de noeuds. J'ai préféré procéder autrement. Je me suis documentée et grâce aux livres de Pierre RYALL j'ai appris comment monter une chaîne. Mon grand métier était équipé d'une ensouple arrière de 1 mètre de circonférence. Une série de petits trous y étaient percés dans lesquels on pouvait insérer les pointes de bois ou de métal. J'ai utilisé les goupilles du tracteur du voisin... ça marchait très bien. Et j'ai monté mes chaînes en pratiquant l'ourdissage sectionnel. J'ai été très satisfaite de ce système. C'est rapide, efficace et les fils sont tous bien tendus. J'ai essayé l'ourdissage traditionnel comme le font les Suédoises, mais il faut se mettre à plusieurs pour tendre une chaîne et on n'est jamais sûr d'avoir les fils bien tendus. Il faut parfois les retendre en cours de travail. De plus les opérations sont multipliées. Avec l'ourdissage sectionnel on réduit considérablement le temps de montage d'une chaîne et on évite les mélanges de fils. Seul problème, il faut de nombreuses bobines si on veut changer de fil ou de couleur, mais ce n'est pas très gênant. Je me suis équipée.

Archie et moi avons eu des hauts et des bas. Pendant un temps j'ai beaucoup tissé, je voulais même en faire mon métier et quitter l'enseignement. Mais on ne choisit pas toujours, l'artisanat quand on est seul c'est très aléatoire, et j'ai du retourner en classe pour gagner ma vie. Maintenant que je suis à la retraite j'ai sorti Archie de sa "retraite" où je l'avais gardé, dans un placard à vrai dire, et je l'ai remis en service. Il est toujours aussi fantastique et n'a pas bougé d'un poil durant toutes ces années. Il ne s'est pas déformé, son peigne et ses lices ne sont pas rouillés et sa navette file toujours aussi allégrement dans la foule. Le chant du métier a repris et j'en suis ravie.

Voici le diaporama du montage d'une petite chaîne de coton qui m'a servi à faire une écharpe. Le tissage vert et blanc s'est transformé en rideau dans la salle de bains. Un ami qui passait n'a jamais voulu croire que c'était du tissage artisanal. Pour lui ça ne pouvait avoir été fait qu'à la machine. Merci, c'est un beau compliment !


Ce métier a la particularité d'être équipé d'un cantre intégré. Je dispose de 20 bobines sur le cantre. Les fils quittent les bobines,  passent dans un système qui les canalise et les rapproche, puis un autre système qui égalise les tensions avant de passer à travers les dents d'un petit peigne à encroix. Avec le système d'ourdissage sectionnel je n'ai pas réellement besoin de faire un encroix de un fil/un fil. Ce petit peigne sert surtout à maintenir les fils à peu près dans l'ordre en les séparant. Sur la photo je crois que j'ai fait deux fils/trois fils pour une densité finale de 6 fils au cm. Sa plus grande utilité est surtout d'enrouler les fils sur l'ensouple à la bonne densité. Je passe le nombre de fils nécessaires pour avoir la densité voulue au cm, telle qu'elle sera ensuite dans le peigne.

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